A LA DECOUVERTE DES NUDGES !
Nous avons souvent envie de faire des choses mais nous n’y arrivons pas. La volonté parfois ne suffit pas.
Nous avons envie de prendre plus de temps pour soi, de faire plus de sport, d’aider nos salariés à communiquer, de plus de civilités dans le métro, de mieux trier ses déchets, d’être plus organisé … nous avons envie de faire le Bien mais nons ne le faisons pas toujours.
Et pourquoi cela ? Pour trois raisons majeures :
- Nous ne savons pas clairement ce que nous avons envie de faire
- Nous savons quoi faire mais nous ne le faisons pas ou pas encore
- Nous savons quoi faire mais nous ne savons pas comment nous y prendre
Et nous vous disions qu’il vous suffit d’un nudge bien pensé pour y arriver, vous nous croyez ?
Pour cela, il faudrait déjà comprendre ce qu’est un nudge et en quoi il peut vous aider.
Evelyne Rosset, enseignante chercheuse en psychologie positive et spécialiste des nudges, nous explique comment nous y prendre pour repenser nos comportements.
Les nudges, ces outils neuroscientifiques pour se lancer dans l'action !
Le nudge est un mot anglais, très peu connu même des anglais ! Il se définit comme un « gentle push », un « appel de coude », « un coup de pouce » en français. Ce n’est pas un coup de pouce directement pour aider à la réalisation d’une action. C’est une manière douce d’attirer notre attention ou nous donner un signal pour changer notre comportement vers une façon de faire moralement plus positive.
Un nudge réalisé doit permettre “d’élever” l’individu. Dans la théorie du nudge comme en psychologie positive, on pense que l’individu est fondamentalement bon et qu’il faut lui proposer des actions qui l’accompagne dans l’accomplissement de cette voie.
Le nudge pourrait être défini comme :
« Une approche du comportement humain qui tient compte des limites de la rationalité, des biais cognitifs et des influences sociales pour expliquer et changer les comportements pour le bien du grand nombre ».
Privilégiez notre système 1 de pensée à notre système 2 !
La définition du nudge proposée montre l’importance du fonctionnement du cerveau dans la prise de décision.
Daniel Kahnman, psychologue ayant reçu un prix Nobel en Economie et théoricien du nudge, nous explique que nous possédons deux systèmes principaux de pensée : le système 1 est automatique alors que le système 2 est plus réfléchi.
L’idée soutenue dans le nudge est la suivante :
- Nous utilisons majoritairement le système 1 : un système inconscient qui se met en place rapidement parfois sans que nous le décidions. Il permet de prendre toute les petites décisions quotidiennes et lors de surcharges peut nous faire faire des erreurs
- Et nous utilisons moins le au système 2 qui est plus lent, plus conscient, qui demande des efforts et qui amène à une réflexion importante pour une prise de décision bien pensée souvent exempte d’erreurs.
Mais la société, elle nous indique comment agir en utilisant le système 2 (établissement des règles, des punitions/récompenses et des explications/enseignements) alors qu’il faudrait des actions plus relatives du système 1, qui aident les gens à changer automatiquement et durablement de comportement.
Nous pourrions résumer cette idée ainsi : “Réduisons la réglementation, la punition et l’éducation et désormais guidons vers ce qui est Bon ! ” Nous sommes toujours influencés par des indications, préférons alors les indications facilement assimilables et attrayantes pour aller vers un bien commun !
Prenons un exemple : amener les individus à changer de comportements en conduisant.
- Nous pouvons nous adresser à leur système 2 en proposant des panneaux de signalisation, des amendes ou des publicités éducatives.
- Nous pouvons nous adresser à leur système 1 en leur indiquant immédiatement à l’aide de visage s’éclairant sur le bord de la route s’il est à la bonne vitesse ou non, ce qui le fera automatiquement réagir ! Nous pourrions indiquer directement sur son compteur que 50 est pour la ville, 110 ou 130 pour l’autoroute et en indiquant qu’au-delà il y a danger, ou dessiner sur la route ou sur des panneaux des enfants qui le feront freiner sans réfléchir.
Les 4 règles DES NUDGES
Le nudge a des règles qu’il doit suivre pour être mis en place :
1 – Il doit être bien réfléchi : toute action ne peut pas être nudgée !
2 – Il doit être penser dans un but moralement bon pour l’individu (attention aux utilisations abusives du nudge en management et marketing)
3- Il doit laisser le choix à l’individu de le suivre ou pas et n’entrainer aucune culpabilité
4 – Il doit être SOFA : social, opportun, facile et attractif
Les questions à se poser pour penser à mettre eN place LES nudgeS :
Pour construire efficacement le nudge, il faut préparer son intervention à partir des trois questions suivantes :
- Quel est le but que je recherche ? Quel comportement je veux inculquer ?
- Que font les individus à la place du comportement voulu ?
- Quelles sont mes possibilités pour les « nudger » en direction du but désiré ? vers la construction de mon modèle SOFA
Attention, toutes les actions ne peuvent pas être « nudgées » : on ne peut pas utiliser le nudge pour changer le comportement personnel d’une personne. Un article du monde s’attaque à ce sujet : “Tout est-il nudgeable? Le comportement tient sur des bases internes et plus psychologiques. Il ne peut pas être aidé de cette manière. Mais beaucoup d’actions quotidiennes peuvent, elles, en tirer profit. En effet, les nudges sont des vrais outils neuroscientifiques pour se lancer dans l’action !
Les 4 éléments "SOFA" INDISPENSABLES DES NUDGES
Le modèle EAST (Easy, Attractive, Social and Timely) en Anglais peut être pensé comme SOFA en Français (Social, Opportun, Facile et Attractif). C’est sur ces 4 éléments clefs que doit reposer un nudge pour qu’il soit efficace :
- Il faut le rendre Social, collectif. Il faut que ce nudge puisse être socialement partagé. Si cette action est valorisante et que les autres en parlent (réseaux sociaux et engagement réciproque), veulent le faire (normes sociales), le conseillent (attentes sociales), le font devant moi, alors je vais naturellement être amener à le faire (désirabilité sociale). Cette attitude est expliquée par Haidt (2010) par son concept d’élévation : quand on voit les autres faire le Bien, on s’élève soit même moralement et on a plus tendance à passer à l’acte positivement. Quoi de plus intéressant d’amener des changements de comportements vers plus de bien commun ? Un conseil est de rendre cela collectif dans le groupe restreint de personnes concernées par cette action pour que cela ait un véritable impact. On propose alors deux manières de faire changer les comportements, en présentant un comportement majoritairement partagé ou en présentant un comportement comme socialement désiré, reconnu.
Un exemple, réplicable, est celui du changement de serviettes de toilette. Proches de l’emplacement du linge de toilette, un panneau indique « 75% des gens utilisent leurs serviettes de toilettes plusieurs jours à l’hôtel, indiquez si vous voulez la faire laver aujourd’hui en la jettant par terre ». Ici on voit qu’on se sert de l’autre client de l’hôtel pour aider le client concerné à faire son choix.
- Pour le rendre Opportun, il faut faire en sorte que le message tombe à pic. Il faut inciter les gens au moment où ils sont le plus susceptibles d’être les plus réceptifs. Il faut arriver au moment de la prise de décision à proposer une action à laquelle les personnes vont vouloir adhérer. Pour ce faire, on sollicite les individus pour bien faire les choses dans les temps avec des relances, on demande aux personnes à quel moment ils sont plus à même d’être disponible pour entendre le message (avec des questionnaires par exemple) et on aide à la planification. L’idée indispensable ici à retenir est l’importance de tabler sur des actions immédiates.
Par exemple, j’indique sur mon gel douche « Pendant que vous m’utilisez, couper l’eau ! » et je peux immédiatement le faire. Je mets des photos du tri sélectif directement sur la poubelle pour toucher l’individu au moment où il jette ses déchets. Je propose une souscription aux dons humanitaires à l’encaissement en magasin, …
- Pour le rendre Facile, il faut bouger les lignes afin de réduire les efforts à fournir, les étapes, et les choix que les individus. On les aide alors à atteindre leurs buts et les « pousser » plus facilement dans le flow. Ici on libère l’individu des choses complexes du quotidien, on l’aide à se défaire d’une surcharge cognitive importante, on l’aide à simplifier ces actions et on l’aide alors à éviter des frustrations de devoir faire un nouvel effort pour réaliser la tâche proposée. On choisit alors le choix par défaut. L’individu est configuré comme cela, et s’il veut changer alors il doit faire un effort pour son choix. Savez-vous qu’en France, le don d’organe est un choix imposé par défaut. Si vous ne voulez pas les donner il faut alors l’indiquer. Ainsi en France, au Portugal, en Autriche et dans les autres pays qui ont fait ce choix par défaut, 97,5% des individus donnent leurs organes. Dans les pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou encore le Danemark, où il faut donner son autorisation pour le don d’organe, seulement, 9,9% des individus donnent leurs organes. Mettre par défaut le choix le plus moralement élevé, tout en laissant le choix de se rétracter, et simplifier toutes les démarches est facile. Voilà d’autres exemples qui peuvent vous aiguiller : envoyer des documents avec les liens en hypertexte (au lieu de flyers nécessitant des copier-collers), présenter devant les bacs de tris les déchets à mettre dans chacun des poubelles, marquer au sol le chemin jusqu’à la poubelle (permet de réduire jusqu’à 46% des déchets jetés par terre, Hansen et al, 2011), prévoir l’impression en recto verso par défaut, mettre les pièces jointes à la suite dans un même document au lieu de documents différents, faire signer en haut de la page pour ne pas oublier (cela permet aussi d’avoir des réponses 2 fois plus honnêtes), …
- Pour rendre les choses Attractives, il faut présenter les bénéfices de l’action d’une manière qui maximise la valeur perçue. Plus votre offre sera saillante, plus elle attirera les participants. On offre alors la disponibilité d’une action rare, attrayante, qui donne envie et fait plaisir. Tout le monde a vu cette vidéo des marches du métro de Stockholm. Dans une journée, le nombre de personnes préférant les escaliers à l’escalator ont été augmenté de 66%. Volkswagen a aussi joué à ce jeu en tentant d’ «inciter davantage de personnes à jeter leurs déchets à la poubelle en rendant ce geste plus marrant » : ils ont posé un bruitage qui, à chaque déchet détecté, faisait le bruit d’une chute vertigineuse comme si la poubelle était très profonde. En une journée plus de 72kg de déchets ont été collectés par rapport au 30 kg journalier habituel, un collecteur de verre en jeu d’acarde, une chaise pour les personnes handicapés, vieillissantes, enceintes colorés pour l’identifier facilement et donner envie de la respecter, un labyrinthe pour aller vers la poubelle publique… Ici l’originalité et la rareté attire, on a tous envie de s’amuser, on est satisfait par l’action que cela propose, les choses sont saillantes et personnalisées. Le message se délivre par lui-même et il devient intéressant pour la représentation que l’on s’en fait.
Pour conclure
Le nudge a de beaux jours devant lui, il ne reste qu’à vous de le décliner dans votre vie de tous jours, dans votre entreprise. Thaler et Sunstein penseurs des nudges, proposaient même de l’élever au niveau sociétal et politique avec « le paternalisme libéral » : « une version relativement modérée, souple et non envahissante de paternalisme, qui n’interdit rien et ne restreint pas les options de personne. Une approche philosophique de la gouvernance, publique ou privée, qui vise à aider les hommes à prendre des décisions qui améliorent leur vie sans attenter à la liberté des autres. ». Pour eux, le nudge permettrait de guider les individus dans une société qui prend des mesures « en termes d’écologie, de santé et d’éducation, tout en essayant de limiter les contraintes et les interdictions gouvernementales auxquelles les nudges viennent se substituer ». Une idée à saisir pour toute action sociétale ?
Rappelez-vous les questions à vous poser sont : Quel est le but désiré ? Que font les individus à la place du comportement voulu ? Quelles sont les possibilités pour les « nudger » en direction du but désiré ? A vous alors de définir votre SOFA pour aller personnellement ou collectivement, en douceur, vers vos buts !
Venez travailler vos nudges, avec notre chercheuse spécialisée Evie Rosset !