Les psychologues positifs identifient la gratitude comme une action et un sentiment d’appréciation pour quelqu’un ou quelque chose, reconnaissant la bonté dans sa vie, qui produit une positivité durable envers la vie (PPP editorial team, 2017). Les définitions de la gratitude sont si nombreuses que j’ai décidé de me référer à la définition de l ‘Ecole Médecine de Harvard (Harvard Health Publishing, 2011) : La gratitude est une appréciation reconnaissante de ce qu’un individu reçoit, qu’il soit tangible ou intangible.
Les enfants grandissant dans le monde occidental oublient d’être reconnaissants pour l’essentiel.
Notre société ne se compose plus de chasseurs-cueilleurs. La majorité des gens vivent au-delà du stade de la survie ; c’est-à-dire qu’ils ne doivent plus lutter pour répondre à leurs besoins physiologiques de base ou de la sécurité, comme l’a dit Maslow. Plus on grimpe haut dans la pyramide, plus on désapprend à apprécier les choses essentielles de la vie. Un adolescent qui se plaint du fait qu’il est le seul de son groupe de pairs qui n’a pas le nouveau I-Phone 8, a-t-il oublié toutes les choses de sa vie pour lesquelles il doit être reconnaissant ? Comme se réveiller tous les matins plein d’énergie, avoir des parents en bonne santé, assez à manger, pouvoir étudier et vivre dans un environnement paisible…..
Les philosophes et les leaders spirituels ont reconnu et compris l’importance de la gratitude dans la vie il y a longtemps, alors que les chercheurs en psychologie sont tardifs dans ce domaine. Dans ce contexte, Dr Robert Emmons, de l’Université de Californie à Davis, est le scientifique le plus éminent au monde. Avec son équipe de recherche, Emmons a étudié le phénomène complexe de la gratitude et ses résultats positifs (Emmons & McCullough, 2003). Il a été scientifiquement prouvé que le fait de cultiver la gratitude présente une variété d’avantages mesurables :
- Santé physique: système immunitaire, tension artérielle, plus d’activités physiques, meilleure qualité de sommeil, etc.
- Bien-être psychologique: emotions positives, vigilance, optimisme et bonheur, diminution de dépression et d’anxiété, meilleure satisfaction de vie, etc.
- Avantages sociaux: générosité, serviabilité, pardon, meilleures relations interpersonnelles, ouverture, moins de névrosisme etc.
En ce qui concerne le développement positif des jeunes, dans une étude menée auprès d’adolescents afro-américains, la gratitude a été associée à des niveaux plus élevés de facteurs protecteurs et de facteurs de risques (Ma, Kibler, & Sly, 2013) :
- Facteurs protecteurs:
- intérêt académique
- performance académique
- activities périscolaires
- relations familiales
- Facteurs de risques:
- Intimité (probabilité d’avoir des rapports intimes pendant l’école secondaire)
- Rapports sexuels (probabilité d’avoir des rapports sexuels pendant l’école secondaire)
- Abus d’alcool / drogues
Les chercheurs ont utilisé deux conceptualisations de la gratitude – “affect moral” et “orientation de vie” – indiquant que la gratitude “d’affect moral” fait référence à une réponse émotionnelle au comportement bienveillant, tandis que la gratitude “d’orientation de vie” se définit plutôt comme une tendance à se concentrer et à apprécier les aspects positifs de la vie, des humains et du monde et peut être considérée comme un trait de personnalité. On a découvert qu’elle réduisait les facteurs de risques. La gratitude “d’affect moral” est liée à une plus grande performance et satisfaction. D’un point de vue psychologique celle-ci semble changeante et par conséquent, elle peut être améliorée.
Quand nous regardons les multiples résultats positifs, qu’il s’agisse d’adultes ou d’adolescents, la gratitude semble être la clé du bonheur, contrairement aux efforts supposés par accumulation dans notre société matérialiste. Quand les enfants grandissent et vont à l’école, on leur enseigne les mathématiques, les langues, l’histoire, l’art et plus tard la physique et la chimie, ce qui est essentiel pour leur avenir. Mais, les futurs petits “Einstein” et candidats au prix “Nobel” sont-ils protégés du malheur et assez forts pour affronter les côtés obscurs de la vie ? Certainement pas ! Alors pourquoi les enseignants ne devraient-ils pas cultiver la gratitude ? Bien sûr, certaines personnes sont nées plus heureuses que d’autres ou sont plus résistantes que d’autres par nature. Il en est de même pour la gratitude, mais heureusement, nous pouvons apprendre à ressentir et à être reconnaissant pour ce que nous avons.
Les enfants deviendront paresseux et cesseront de rêver – un mythe
Quelqu’un pourrait contredire les avantages de la gratitude et dire : “C’est bien d’avoir des enfants heureux et reconnaissants de ce qu’ils ont. Mais pourquoi devraient-ils aspirer à en faire plus alors ? Où trouveront-ils la motivation nécessaire pour réaliser leurs rêves ? Ne vont-ils pas être passifs et léthargiques dans des situations difficiles ?” Bien au contraire : l’influence positive de la gratitude sur l’atteinte des objectifs a été scientifiquement prouvée (Emmons & Mishra, 2011). Les gens enregistrent ce dont ils sont reconnaissants, font plus d’efforts pour atteindre leurs objectifs et se sentent plus énergiques et alertes. La gratitude motive aussi les gens à améliorer la vie des autres ou à donner quelque chose en retour. Les comportements prosociaux ont également été plus prononcés chez les enfants reconnaissants lorsqu’ils étaient adolescents.
“Thanksgiving” plus qu’une fois par an
A l’origine, “Thanksgiving” était une célébration religieuse qui permettait à toute la communauté de dire “merci” à Dieu. Bien sûr, une personne peut ressentir ou être reconnaissante envers une puissance supérieure, mais la gratitude ne se limite pas au contexte religieux. Les enfants devraient en fait célébrer “Thanksgiving” chaque matin quand ils se réveillent et découvrent leur environnement. À cet égard, je n’oublierai jamais mon grand-père qui m’a raconté l’histoire de la première paire de chaussures qu’il a achetée lui-même. Après des années d’enfer dans des camps de concentration, suivies de séjours dans des sanatoriums pulmonaires, il économisait chaque centime pour pouvoir acheter une paire de chaussures spécifique, qu’il avait vue dans une vitrine de magasin. Une fois qu’il avait économisé assez d’argent de poche, il les a achetés et les a mis près de son lit. Il s’est réveillé régulièrement pour s’assurer qu’ils étaient toujours là. Pour moi, cet acte symbolise à quel point il était reconnaissant d’être en vie, à ceux qui l’ont aidé à commencer une vie “d’après-guerre” et de pouvoir s’offrir autre chose que de la nourriture. Aujourd’hui, à 89 ans, il est probablement la personne la plus reconnaissante que je connaisse. Par cet exemple, j’ai voulu illustrer que la gratitude précoce peut avoir un impact positif tout au long de la vie. Mon grand-père l’a malheureusement appris en endurant l’une des épreuves de l’humanité les plus difficiles, mais les jeunes d’aujourd’hui pourraient l’apprendre en paix, du moins dans la plupart des régions d’Europe occidentale. Que diriez-vous de mettre en œuvre 20 minutes de gratitude par semaine à l’école ? C’est-à-dire que l’enseignant pourrait intégrer différents exercices de gratitude à des jours fixes. Une “lettre de remerciement” de temps en temps ou la tenue d’un journal de remerciement pourrait être positifs pour le développement de nos jeunes et leurs années à venir. Se sentir reconnaissant les aidera non seulement à vivre une vie épanouie, mais aussi à trouver satisfaction dans leur travail et à devenir des adultes résilients.
Enfin et surtout, je vous remercie, cher lecteur.
Ecrit par Larissa Kalisch